Votuus

Votuus (2017), 10 affiches format 100 x 100 cm.
Votuus (2017), 10 affiches format 100 x 100 cm.

Le retour de stage est un rituel dans la formation. Les deux formateurs expliquent leurs attendus et terminent par un tonitruant C'était bien pour vous ?  L'un après l'autre les élèves directeurs s'expriment dans une retenue infinie, avec des mots bien pesés ce qu'ils ont traversés. Celà reste assez technique cependant la distance relationnelle avec le personnel de surveillance est une réelle préoccupation. Elle s'exprime en particulier dans l'usage du vouvoiement ou du tutoiement. VOTUUS est une proposition faite aux élèves-directeurs d'écrire quelques moments de situations vus ou vécus mettant en jeu cette complexité du positionnement. Dans leurs réponses la question du genre va exploser, inattendue.

La distance relationnelle avec le personnel de surveillance est une réelle préoccupation. Elle s’exprime en particulier dans l’usage du vouvoiement ou du tutoiement. Ce «tu» ou ce «vous» est une zone compliquée et l’approche que certains surveillants en font à l’égard des détenus les dérangent parfois. D’autres observent que le tutoiement est la règle sauf en cas d’énervements où le vouvoiement redevient cet outil de mise à distance. Le tutoiement est aussi une marque de respect, un désamorçage aussi, comme une humanisation de l’autre (et attendue). En tout cas ressenti comme ça par des détenus qui considèrent que le vouvoiement est une marque de mépris.

Votuus (2017), 10 affiches format 100 x 100 cm.
Votuus (2017), 10 affiches format 100 x 100 cm.

Quoi qu’il en soit, le ton est donné par le surveillant, parfois il y a une familiarité qui s’installe. Ils étaient proches, mais ce qui n’empêche pas les fouilles de cellules par exemple. Un autre élève raconte que les surveillants ne voulaient pas qu’il donne du «Monsieur» au détenu. Mais il n’a pas réussi à savoir pourquoi. Inversement, le «Monsieur» donne l’impression à des détenus d’être mal traités. C’est bien compliqué. Et ça se corse encore avec l’attitude à adopter sur le serrage des mains. On ne serre pas la main à un détenu, une sorte de règle qui circule dans les cours de l’école, comme un interdit à ne pas transgresser.

Votuus (2017), 10 affiches format 100 x 100 cm.
Votuus (2017), 10 affiches format 100 x 100 cm.

Pourtant aucun texte n’interdit quoi que ce soit. L’écart devient choquant lorsque sur la coursive le serrage des mains s’additionne aux tutoiements, quand ce ne sont des «checks» qui finalisent la prise de contact avec entre le détenu et le surveillant. La distance est compliquée, derrière il y a des hommes. L’une d’entre eux dit que l’on ne se débarasse pas de qui on était avant de devenir directeur. Un autre confirme «On ne refuse pas une main tendue», ... pour garder une relation. La question plombante arrive comme une énigme à résoudre sur toute une carrière et en l’adaptant à tous les systèmes qui se construisent en prison : «Jusqu’où va-t-on hors du cadre pour gérer sa coursive ou sa détention ?» Demandent les formateurs.

Votuus (2017), 10 affiches format 100 x 100 cm.
Votuus (2017), 10 affiches format 100 x 100 cm.

Nous avançons rapidement en directement de la salle réservée. D’abord la prudence est de mise, chez moi, qui avance pas à pas sur le protocole, qui nécessite leurs implications et eux face à la responsabilité qu’engage l’usage de leur image. Ils ont conscience qu’ils devront assumer sans détour de voir leurs visages associés à une création artistique. Mais ils restent sur la réserve, inquiets que l’interprétation des images ne produise l’inverse des intentions d’origine. Comme les autres corps de l’administration pénitentiaire, ils craignent que cette histoire ne desserve leur carrière et ils savent bien qu’internet est une archive intarissable et moucharde. Leur passé les suivra lorsqu’ils arriveront aux responsabilités dans un établissement.

Votuus (2017), 10 affiches format 100 x 100 cm.
Votuus (2017), 10 affiches format 100 x 100 cm.

Mais quelle image ? «Une image qui nous humanise», avance l’une d’entre eux. Je précise que celle qui m’intéresse est celle formulée entre les prises de paroles, celle encore indécise qui se travaille dans cette incorporation, dans ce jeu entre le «tu» et le «vous». Un débat s’installe, des exemples fusent. Ils évoquent les difficultés d’avoir à choisir ou à se faire imposer qui le serrage de main, qui la bise. La question du genre est évoquée du bout des lèvres, quand l’une dit s’être fait appeler «Mademoiselle».

Votuus (2017), 10 affiches format 100 x 100 cm.
Votuus (2017), 10 affiches format 100 x 100 cm.

Elle parle d’un rapport de force. Ils aimeraient aussi faire tomber les stéréotypes qui collent à leur image. Ils m’évoquent également la solitude de la fonction. Puis ils reviennent sur le port de l’uniforme comme un moment important pour eux. L’une d’eux dit « quand on met l’uniforme, on donne à l’A.P une partie de nous ». Cette semaine, ils ont vu le tailleur qui a pris leurs mensurations et pour les femmes le choix à faire entre la jupe ou le pantalon.

Votuus (2017), 10 affiches format 100 x 100 cm.
Votuus (2017), 10 affiches format 100 x 100 cm.

Je reviens sur ma proposition de protocole avec le VOTUUS en leur proposant d’écrire quelques moments de situations vues ou vécues mettant en jeu cette difficulté du positionnement. Dans leurs réponses la question du genre va exploser, inattendue.

Votuus (2017), 10 affiches format 100 x 100 cm.
Votuus (2017), 10 affiches format 100 x 100 cm.
Votuus (2017), 10 affiches format 100 x 100 cm.
Votuus (2017), 10 affiches format 100 x 100 cm.
Votuus (2017), 10 affiches format 100 x 100 cm.
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theval élèves-directeurs de prisons enap
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