Un œil sur le dos
Exposition à La friche, La belle de Mai, Marseille.
2019-2020
Dans la cadre du projet "Prison miroir", Que dire sur la prison que nous ne sachions déjà ? Depuis ce lieu, quelle place l'artiste peut-il occuper ? Prison Miroir est un événement multiple : deux expositions photographiques, une rétrospective de films et deux grands week-ends de rencontres, performances, écoutes sonores, chacun interrogeant la relation entre l'art et la prison.
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Un œil sur le dos
"Tout voir sans rien montrer de soi. Celà pourrait être la maxime des personnels de surveillance, pris entre l'envie de rester dans l'obscurité et le désir de nous éclairer sur ce qui se passe pour eux dans ces espaces d'enfermements.
L'image produite sur eux est symptomatique de cette tension. Quand ils se laissent photographier c'est de dos et quand ils posent face à l'objectif c'est à condition que le visage soit tronqué par le cadrage. Quand un visage apparaît sur une image, une inquiétude surgit tant leurs représentations de l'empêchement sont opérantes. Chacun est sous le contrôle de l'autre et les caméras veillent. L'œuvre est à la fois forme et processus, elle consiste à inventer un espace visant à déplacer les attendus et les assignations sur la prison. L'expérience se déploie par et avec ceux qui organisent le dispositif carcéral, à la recherche des indices qui composent leurs cultures et leurs paysages professionnelles.
L'exposition "Un œil sur le dos" recompose mon parcours depuis les fermetures des vieilles prisons, dont les images habillent notre imaginaire commun de la tôle, à l'école de la prison, où la culture de l'institution prend corps chez les élèves surveillant.es et se poursuit dans les nouvelles structures.L'accrochage est un jeu d'indices fictionnalisant les récits des surveillant.e.s en image par des mises en scènes. Ces images polysémiques combinent les dessins sur les murs des cellules et les tatouages sur les peaux des surveillant.e.s et révèlent des impensés et des non-dits d'une institution traversée par des forces contraires, en permanence tendue par son oxymore originel – punir et ré-insérer.
Dans ces prisons, je tente consciencieusement de me défaire de ce que chacun cherche à y trouver comme s'il fallait vérifier les fondements même de la prison. Je me trouve face à toute l'ambiguité de la société, en inversant l'oeilleton je l'ai vue et entendue, violente, émouvante, généreuse et écrasante, désespérante poétique."
Arnaud Théval
Bibilographie :
La prison et l'idiot (2017), Éditions Dilecta, Paris.
Le tigre et le papillon (2019), Éditions Dilecta, Paris.
Il était une fois ... Prison miroir
"Avec Caroline Caccavale de Lieux Fictifs nous nous sommes rencontrés lors d’une journée d’étude sur la prison au Musée de l’immigration à Paris en décembre 2017. Depuis nous n’avons cessé de travailler en croisant nos expériences à la fois différentes et proches dans et sur l’institution pénitentiaire. Ce faisant, le projet Prison miroir éclaire les correspondances entre nos travaux et nos pensées des deux côtés de l’œilleton. Cette série de textes que j’écris aujourd’hui construit une dialectique entre les films de Lieux Fictifs et mon travail, entre la salle obscure de cinéma et l’espace éclairé de l’exposition. Le jeu consiste à puiser dans nos langages plastiques respectifs des axes créant des ponts permettant aux spectateurs de glisser d’une certitude à un doute, d’un doute à un déplacement grâce à ces renversements de regards afin d’ouvrir notre imaginaire de la prison."
Arnaud Théval, 4 novembre 2019