Soudain, entre les murs, l'animal

Arnaud Théval Soudain, entre les murs, l'animal (2021) Cité des arts de Chambéry
Arnaud Théval Soudain, entre les murs, l'animal (2021) Cité des arts de Chambéry

Soudain, entre les murs, l’animal  
Exposition à la Cité des arts de Chambéry
Installation composée de trois photos formats 400 x 300 cm, 150 x 200 cm, 300 x 200 cm et pièce sonore réalisée avec Pauline Boyer.
2021

Dans le cadre de l'exposition Dedans-dehors co-réalisation du SPIP Savoie et de la Cité des arts de Chambéry

Voir le livret de l'exposition

Arnaud Théval Soudain, entre les murs, l'animal 2021
Arnaud Théval Soudain, entre les murs, l'animal (2021) Cité des arts de Chambéry

Aux abords de l’autoroute, les rives du torrent se sont recouvertes d’une couche de poussière, puis les vents et le temps ont effacé les stigmates du chantier. L’herbe a repoussée autour des murs de la nouvelle prison. Il a fallu un peu de temps pour que l’oiseau se familiarise avec les lieux. Tout d’abord, ses couleurs se sont faites discrètes, presque aussi ternes que les teintes des murs de la cellule. L’homme qui le dessine lui parle matin et soir et autour de l’arbre, il a peint une maison, des montagnes, un horizon, puis d’autres oiseaux. 
Il se souvient du poème de Jacques Prévert appris à l’école, mais nul besoin de dessiner la cage pour attirer l’oiseau. L’espace tout entier est la cage. À chaque fois que la porte de leur cellule s’ouvre, chacun reprend sa place dans une posture habituelle. Lui est en colère, un autre est accablé, le dernier sourit mais chacun prend soin du dessin inachevé. La surveillante ne dit rien, pourtant elle sait que peindre une porte de prison est interdit, mais elle y reconnait un paysage familier, alors... 

Arnaud Théval Soudain, entre les murs, l'animal (2021)
Arnaud Théval Soudain, entre les murs, l'animal (2021) Cité des arts de Chambéry

Dans les concertinas tout en haut du grillage, au milieu des bouts de tissus déchirés, des bouteilles en plastique éventrée, un couple d’oiseaux fait son nid. Brindille après brindille, une chambre d’amour s’hérisse. Les barbelés ne coupent pas l’élan amoureux des volatiles, leurs ailes les protègent. oute la prison s’en émeut. Comme pour fêter un mariage, les hommes lâchent depuis les fenêtres des tas de papiers... Ils virevoltent dans une furie joyeuse jusqu’à choir lamentablement au sol. 
La fête est telle que bientôt les barbelés sont recouverts d’une épaisse couche de détritus. Les voilà neutralisés par l’invitation amoureuse provoquée par les oiseaux. À contre cœur, après des nuits à faire la noce, les hommes doivent nettoyer. À l’aide d’un chalumeau, les surveillants brûlent les déchets mais ils évitent soigneusement de toucher à l’architecture des oiseaux. Ils le font en silence, ils reconnaissent, dans la patience animale, quelque chose qui les touche fondamentalement.

Arnaud Théval Soudain, entre les murs, l'animal (2021)
Arnaud Théval Soudain, entre les murs, l'animal (2021) Cité des arts de Chambéry

Le paysage aux oiseaux achevé, l’homme est sorti de prison. Dans son ancienne cellule, quand les lumières hésitent entre chien et loup, quand des odeurs étrangères à celles un peu rance de la pièce se propagent, quand les hommes flottent entre deux ennuis, le dessin sur la porte s’anime. ehors les motifs animaux de ses tatouages s’agitent quand la nuit il frôle les dangers d’une vie qui ne cadre pas bien avec la loi. Quand la justice le serre à nouveau, il est reconduit dans la prison à la lisière de son monde, au cœur du nôtre. e n’est plus exactement la même, elle est repeinte. Les portes sont neuves. Il est seul dans une cellule propre. Il a terriblement peur. Et puis non, il retrouve l’oiseau qui s’est déployé de sa représentation. Il l’attendait. 

Arnaud Théval (texte écrit pour la pièce sonore réalisée avec Pauline Boyer)

En savoir plus sur Dedans-dehors 
Une rétrospective  :
Regroupant plusieurs projets : Autofictions I et II, Figures I et II, In-distinctions I et II, Se fondre dans le Décor I et II, Emotions masquées. Depuis 2015, ces différents ateliers autour du masque ont été menés au Centre pénitentiaire d’Aiton et à la Maison d’arrêt de Chambéry par Sandrine Lebrun, artiste-plasticienne et Stéphanie Migliorini, comédienne. Cette rétrospective, qui réunit les photographies performatives réalisées pendant les ateliers de créations avec les personnes détenues, permet de partager les dispositifs abordés. Ces différents projets ont tous été réalisés en lien avec les œuvres des collections des musées et parfois même avec l’intervention des   médiateurs du musée des Beaux-arts de Chambéry. Cette année, un écho a été fait aux collections du musée du Louvre et, sur l’invitation de Laureline Bucher, à l’exposition Bas les masques. Les interventions ont eu lieu au centre pénitentiaire d’Aiton Emotions masquées/Masquer les émotions (août 2021).

Suite à la rencontre avec Arnaud Théval au musée des Confluences de Lyon, lors de l’exposition Prison au-delà des murs en 2020, l’idée est venue de tenter un décloisonnement des pratiques respectives et de travailler à un projet commun de dématérialisation des rendus d’atelier. Ainsi sera présenté le tout nouveau site internet : dedans-dehors.fr, créé et réalisé par Sandrine Beaud, sous l’impulsion de Sandrine Lebrun.

Lire l'article Le petit reporter du 73
 

Arnaud Théval Soudain, entre les murs, l'animal (2021) photo Amaya Ward
Arnaud Théval Soudain, entre les murs, l'animal (2021) photo Amaya Ward.