Choc carcéral

Catalogue des peurs (ça m’a choqué) 4 formats 55 x 40 cm, texte sur dibon.
Catalogue des peurs (ça m’a choqué) 4 formats 55 x 40 cm, texte sur dibon.

Je retrouve les élèves de la 187 ème promotion après le choc carcéral du premier stage, je les écoute et leurs propose plusieurs protocoles à partir de leurs récits. Les élèves racontent au formateur le vécu de leur premier stage. Ce n’est pas une prison qui se des- sine dans mes oreilles mais des centaines aussi différentes que le sont les expériences, la géographie et les surveillants. Un début de phrase revient continuellement « Ce qui m’a choqué ». Certains sont pâles quand ils se lèvent pour en parler, d’autres en rigolent. Moi, je me concentre pour tout noter tant le flot de paroles est ininterrompu.

L’assimilation des images
Dans les récits de leurs retours, il y a des récurrences qui décrivent cette relation particulière à l’intérieur de la cellule et à la façon dont ils vont devoir gérer ce moment de l’ouverture de la porte, là où commence pour eux l’incarcération. Lors de ce premier stage ils sont en doublure, derrière le surveillant, ils ne tiennent pas encore les clefs mais déjà ils ont pu expérimenter les enjeux de la relation au détenu et à son intérieur, la cellule.
Les gestes des surveillants sont chargés de sens et lorsqu’ils décrivent les façons de se saisir d’une cellule, de la retourner pour trouver des objets illicites lorsque les détenus sont en promenade. Il y a des écarts saisissants. Certains arrachent tous les posters sur les murs, vident les récipients, testent en fracassant au sol la résistance d’une boîte en métal afin de vérifier qu’elle n’est pas truquée et ils laissent tout en vrac. D’autres prennent soin de tout remettre en ordre, proprement pour ne pas déranger l’intimité du détenu.

Ils sont tous impressionnés par les mille et une façon d’arranger sa cellule avec peu de moyen. Le sésame c’est ce scotch qui permet de fabriquer à peu près tout, l’élément qui permet de faire tenir ensemble des objets, mais temporairement. Ici, rien n’est définitif. Mais bricoler avec du scotch entretient l’illusion d’un confort.
Cette fragilité du matériau et ma collectif d’images réalisées en détention vont me servir de base pour leurs proposer de recréer une situation de détention.

Scène au poster (2015) affiche 250 x 350 cm.
Scène au poster (2015) format variable.

Scène aux posters
Sur la table, j’ai disposé une centaine de photos de différents formats. Je leur propose de constituer des petits groupes et d’inventer un espace. Peu à peu, ils se griment avec certaines photos et certains reconstituent de façon littérale une cellule. L’espace prend forme, son confinement aussi. Les gestes sont simples, ils tiennent les photos ou ils se cachent derrière. Ils sont l’image. Je demande à un autre groupe de reconstruire des cellules à partir de scotch et de choisir parmi les photos proposées celles qui leur évoquent leur expérience sensible. Ou comment peuvent-ils figurer cette assimilation de l’univers de la cellule ? Ils deviennent le lieu même et portent sur eux les images marquantes de leur choc carcéral.

Scène aux posters (2015), affiche format 250 x 350 cm.
Scène aux posters (2015), affiche format 250 x 350 cm.

Scène aux fourchettes
Un danger est omniprésent et accompagne une peur latente chez l’élève surveillant, cette crainte du coup de couteau, du coup fourchette ou de n’importe quoi d’autres. Dans le centre d’entrainement je découvre une fourchette tordue pour simuler une arme de poing. Cet objet fait écho au texte de cette élève qui se demandait si les détenus avaient encore des fourchettes en cellule. Elle était émue par ce bocal rempli de bout de fourchettes extraites du corps des détenus. Les surveillants apprennent donc à ouvrir la porte avec précaution, le pied bloque et prévient d’une ouverture trop brusque.

Scène à la fourchette (2015) affiche 250 x 350 cm.
Scène à la fourchette (2015) affiche 250 x 350 cm.

Scène au matelas et scène au sifflet
Le matelas en détention est également source d’inquiétude lorsqu’il faut enjamber ceux à même le sol pour aller sonder les barreaux. Une exposition tendue qui déplace le corps du surveillant dans l’espace du détenu. Sur ce terrain là, l’autre «arme» ou outils, en plus de l’attention permanente est le sifflet. Celui qui siffle ne craint plusieurs choses, l’usure de sa salive ou que la bille en plastic ne se bloque ou encore que les collègues de parviennent pas à temps pour lui prêter main forte. La fourchette, le matelas et le sifflet sont trois objets prétextes pour engager des groupes d’élèves dans une manipulation des formes.

Scène au matelas (2015) affiche 250 x 350 cm.
Scène au matelas (2015) affiche 250 x 350 cm.
Scène au sifflet (2015) affiche 250 x 350 cm.
Scène au sifflet (2015) affiche 250 x 350 cm.

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theval choc carcéral des surveillants
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theval choc carcéral des surveillants
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