Médecine et philosophie

Arnaud Théval Blanc maquillage, carnets de recherches (2017-2021) Institut de lutte contre le cancer Bergonié, Bordeaux
Arnaud Théval Blanc maquillage, carnets de recherches (2017-2021) Institut de lutte contre le cancer Bergonié, Bordeaux

Le dérangement des mots,
du carnet de notes au dispositif artistique

texte et image de l’auteur
Revue Médecine et Philosophie
2021

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S’appuyant sur l’expérience d’une résidence artistique de quatre années au sein de l’institution hospitalière de Bergogné à Bordeaux, cet article interroge les effets d’une mise en espace des mots dans l’espace public hospitalier et par la pratique artistique. Cette dernière vise à une agitation de l’espace social par des images et des mots et fonctionne comme une expérience partagée avec les acteurs des institutions dans lesquels j’interviens. Ainsi, là  où l’œuvre est un dispositif inclusif et coopératif, la mise en récit du processus artistique est un biais pour penser ma posture d’artiste dans la communauté hospitalière. La dimension non-fictionnel de ces récits permet en effet de coller au plus près des évènements liés à ma présence et aux interactions avec les «  acteurs hospitaliers  ».
L’écriture est donc d’abord une preuve qui se mue en un appel à réaction, un appel au dialogue dès lors que les textes sont affichés dans l’espace public de l’hôpital  : l’activation du politique se produit au moment de la réception de l’œuvre par la communauté hospitalière. Cette mise en exposition est à la fois une preuve des interactions et une épreuve  ; ici celle de l’hôpital par ses propres mots. L’unité de la «  communauté hospitalière  » est questionnée par mon travail quand je mets en évidence deux langages différents qui l’habitent  ; un langage administratif et un langage poétique que je souhaite amplifier. Alors que les mots semblent mettre en lumière les écarts de perception je m’interroge sur l’adversité récurrente, entre arrachage des affiches et censure, que l’on m’oppose  :  la mise en mot par la pratique artistique dérobe-t-elle du pouvoir  ? 
Là où pour certain.es l’affichage d’écriture est vécue comme une prise de pouvoir sur le réel, je tente au contraire par ma démarche artistique de créer du commun et les conditions spatiales symboliques et visuelles d’un dénouement de la parole et d’une prise en compte des mots, et non plus seulement des discours. 
J’infiltre donc de la poésie dans l’hôpital pour faire exister autrement les questionnements et les prises de parole, pour saisir la langue hospitalière avec des appellations inattendues. J’appréhende enfin la poésie comme un langage capable de la prise en charge des émotions mais également comme une charge offensive contre une neutralisation qui laisse les mots à la porte des émotions.

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